Les Hauteurs de l’Éden
“Après le réveil du volcan islamique, la question des religions n’est plus un sujet bateau. Ou alors, gare au sens des mots… et parlons de la ligne de flottaison comme métaphore de ce livre.
Il s’agit du navire où s’embarquent les générations humaines pour la traversée, avec toujours la même boussole : pourquoi vivre ? Une langue de bois exporte le vieux mot latin « religion », passe-partout qui permet à l’Occident de s’imaginer en guide universel de la navigation.
Nous ne voyons pas que nos propres expériences accumulées sont embarquées avec chaque cargaison de passagers.
Les traditions sont stockées dans la partie immergée du navire, sous la ligne de flottaison. Sur le pont, dans la partie émergée, nous apercevons l’horizon, le ciel et la terre d’aujourd’hui, nous subissons les vents, les tempêtes du présent. Mais le passé qui a rendu possible l’aujourd’hui ? Il nous porte, comme les profondeurs de l’océan soutiennent le bateau.
Cette loi est le lot universel. Si les autres existent, cela veut dire qu’ils ne sont pas nous. Eux aussi trimbalent dans la soute les bagages d’un passé qui les tient. Ils savent manier la boussole : pourquoi vivre ? Ils usent d’autres mots, d’autres rites et d’autres liturgies que les nôtres pour prévenir le naufrage.” P. L.
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Recension
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Extraits :
“Les religions, quelle qu’en soit la forme, sont enlacées avec les arts, nos médiateurs dans la quête humaine d’un Absolu.” (…)
“La silhouette du chevalier errant, Don Quichotte, prince de l’Illusion, assisté de son fidèle Sancho Pança, apparaît dans le sombre décor d’une colline où les maisons ressemblent à des boîtes empilées, exhibant leurs trous noirs comme des yeux crevés par un ouragan de fer.
Œuvre du philosophe et peintre russe Alexandre Alexandrovitch Zinoviev, le tableau Espaňa composé en 1981 porte un titre de haute tension symbolique. Souvenons-nous que, poursuivi par la censure soviétique dans les années 1970, l’artiste dut s’exiler en Allemagne. Rentré à Moscou en 1999, il est mort en 2006.”
II. Le trésor des croyances ou “la vie fiduciaire du monde”
Les architectures sacrées accomplissent l’homme ancestral dont parle le poète : « Il voulait voir la vérité, l’heure du désir et de la satisfaction essentiels ».
Nous vivons dans le cercle d’une histoire. Les religions appartiennent aux paysages, elles transmettent les signes généalogiques inscrits à même le sol. Les synagogues, les temples, les églises, les mosquées, les pagodes et les lieux forestiers dédiés aux esprits sont les stigmates de la Terre mystique. (…)
Une architecture invisible métamorphose l’édifice matériel en construction de paroles. Il devient la scène du lieu autre, offert d’âge en âge à la multitude des croyants - ces croyants que la tradition européenne, selon sa vision, appelait les « pierres vivantes » de l’Église.
IV. Voiler, dévoiler : L’efficacité du divin et le régime de la foi à l’ère industrielle
(… ) “Un poète latin racontait le destin des Géants. Pour s’élever jusqu’aux astres, ils entassaient montagnes sur montagnes. Mais ils furent ensevelis sous leur monde écroulé.
Cette sagesse oubliée nous parle. Les Occidentaux pensent avoir vaincu les mythes et conquis le pouvoir gigantesque. Les prodiges scientifiques et techniques sont en voie d’accomplir la promesse absolue : dévoiler le théâtre de l’Univers et rendre l’homme transparent.
Ainsi s’évanouiront les questionnements anciens. L’animal humain doit entrer dans la post-histoire, il vivra dans un monde désensorcelé. Le pourquoi ? sans réponse cédera la place à la rationalité sans frontières.” (…)
“Qui pourra abolir la mémoire de l’espèce ?”(…)
“Au XIXe siècle, un philosophe a dit la vérité : « les parents contemplent dans le devenir de l’enfant leur propre suppression dialectique ». En Occident, cette pensée est aujourd’hui bannie.
Nous voulons ignorer que l’espèce parlante a inventé le sacrifice. Il notifie aux vivants que la reproduction et la vie elle-même sont au prix de leur mort. Les civilisations ont été à la tâche de mettre en scène la répétition de la vie et de la mort, dans la fiction d’un Univers soumis à l’ordre humain de la parole.
L’ingéniosité religieuse rejoue sans trêve, et dans les formes rituelles d’une variété infinie, le drame de la rencontre avec l’impératif sacrificiel. La société se métamorphose en théâtre de l’obscurité du Monde. La réalité devient une cérémonie d’échange avec le divin, dévoilant aux humains le secret des secrets : surmonter l’effroi de la mort, vivre de la vérité. “
Zinoviev “Espaňa”
Intérieur de l’Église Sainte Sophie (Istanbul)