Classification et connaissance - Remarques sur l’art de diviser et l’institution du sujet
Avant tout, il est nécessaire de notifier au lecteur ceci : le domaine des études non psychiatriques susceptibles d’éclairer une réflexion moderne, librement informée, soucieuse d’érudition, sur la question des classifications en psychiatrie et pour l’usage des praticiens est aujourd’hui fractionné, scindé en parties qui s’ignorent à peu près complètement. Il y a là, non pas tant l’effet d’une diversification des disciplines dans l’histoire des sciences, que la persistance d’un trait de la culture européenne, acquis à l’époque scientifique et transmis aux sociétés hyperindustrielles, pour interroger ce que nous appelons, d’un terme lourdement hypothéqué, le psychisme. Je résumerai ce trait : penser les savoirs sur la Raison, en dehors d’une problématique de la Loi.
Je vais m’expliquer là-dessus, après avoir souligné l’obscurité d’une telle formule par les temps où nous sommes, et combien il est difficile, au versant de la psychiatrie, d’entrer dans des considérations sur la connaissance, si l’on ne suit les sentiers soigneusement balisés. Rappelons-nous le scandale provoqué par Freud, se référant à la mythologie grecque et à la poésie théâtrale d’Œdipe pour situer la logique de l’inceste, ou à Schiller pour avancer le concept du Trieb1. De nos jours, le scandale est éteint et le conformisme s’est emparé de la psychanalyse comme d’une aubaine, tandis que les sciences dites humaines, sociales, etc. sont devenues ce décor blafard à l’abri duquel nous emmagasinons nos classifications prétendues scientifiques. Enfin, au titre de ma propre expérience de savant dans le milieu international ou près d’organismes internationaux ayant en charge la confrontation des cultures, je me permets de poser la question élémentaire : à quoi peut servir désormais de s’interroger sur la connaissance, tant que les doctrines de l’efficiency, abusivement trans plantées des laboratoires pour guérir le sujet de la parole (entendez : le guérir de la parole), continueront de fonctionner comme des propagandes, faisant ainsi obstacle à l’examen critique des découvertes les plus remarquables ? Rares sont les lieux – si ce n’est dans les institutions encore peu connues mettant en acte l’éthique des Advanced Studies – où l’on aborde de sang-froid les contradictions renouvelées, qui sont le lot de la psychiatrie industrielle contemporaine. Je voudrais ici contribuer modestement à redéfinir le champ des investigations nécessaires à la critique des fondements institutionnels de la connaissance, sur le terrain si mouvant des savoirs appelés à interpréter et manœuvrer le psychisme humain, c’est-à-dire sur le terrain le plus traditionnel qui soit mais aussi le plus subverti par les découvertes industrielles, terrain où la subjectivité du savant est tellement intriquée dans l’objet et la trame de son discours, que la question de la scientificité – garant présumé de l’efficiency – soulève inévitablement celle des limites de la science. Autrement dit, la psychiatrie comme science des limites de la science est-elle concevable ?
En me suggérant le thème « Classification et connaissance », la Revue me proposait un rapprochement entre des termes éminemment classiques, qui présentent l’avantage des concepts ayant beaucoup servi : ils obligent à prendre position par rapport au déjà dit et à préciser le statut de la démarche. Je ne prétends ici ni à la philosophie des sciences ni à la métaphysique, pas plus que je ne me sens lié par la pédagogie courante dans le domaine que j’explore. Je m’en tiens aux données d’un pari gagné, aux résultats présents de la longue histoire des efforts occidentaux pour « démythologiser » la psychè, depuis la cosmogonie médiévale brillamment étudiée par l’école de Panovsky2, et la verser au dossier des sciences modernes positives étudiant les faits observables. L’articulation d’un tel bouleversement peut être lue chez les guides les plus sûrs, un Zacchias par exemple, si habile à expliquer la formulation à la fois juridique et médicale des « blessures infligées à la Raison »3. En définitive, la psychiatrie s’est constituée comme science des maladies de la Raison, c’est à-dire dans la droite ligne de cette définition. Cette évidence mériterait d’être travaillée davantage ; nous serions plus attentifs à quelque chose qui demeure toujours obscur, malgré les tentatives d’études dites transculturelles, à cet élément fondamental du système scientifique : sa légalité.
Qu’est-ce que la légalité d’un système de sciences ?
Voilà une interrogation très délicate à manier, parce qu’elle joue du fonds de normativité dont procèdent à la fois la notion de science des classifications (au sens fort du terme de taxinomie fabriqué à partir de la langue grecque)4 et l’idée même de la loi scientifique. Or, élaborations successives du concept de maladie de la Raison (la laesio Rationis des auteurs européens depuis le Moyen Âge) font figure d’épisodes peu compréhensibles (ceux-ci fussent-ils rapportés à une histoire politique et sociale scrupuleusement décrite), si l’on fait l’économie d’analyser le soutien de pure logique dans la transmission d’un discours typique sur la Raison et les atteintes à la Raison. Où donc se trouve ce soutien de pure logique ? Depuis les travaux érudits les plus récents, malheureusement ignorés là où ils seraient le plus utiles, la réponse ne fait aucun doute : dans les savoirs dogmaticiens qui ont normalisé l’humanité industrielle.
Ces savoirs dogmaticiens, sur la genèse et la portée desquels je viens de nouveau d’attirer l’attention5, se sont trouvés ensevelis sous l’amas des études de facture expérimentale, sans compter le rôle joué dans cette censure d’un genre nouveau par des idéologies de tous bords. Contre un tel entraînement, en quelque sorte mécanique, la psychanalyse pourrait être tenue comme une sauvegarde ou, à tout le moins, comme un frein. La question de la Loi et des rapports de la Loi au principe de Raison est, en effet, au cœur de la problématique in consciente, par conséquent au cœur de la problématique du sujet divisé. Pour peu qu’on réfléchisse à la modalité première de la division pour un sujet, l’inceste doit être abordé en tant que catégorie fondatrice des classifications généalogiques, classifications d’essence juridique, dont la rigueur ne peut être déjouée sans que des effets, eux aussi radicaux, s’ensuivent. Mais, rivés à des principes de commentaire peu critiqués ou aux certitudes d’une épistémologie en trompe-l’œil, la plupart des psychanalystes laissent en plan ces classifications juridiques ; ou bien, plus sensibles aux bruitages ambiants du scientisme qu’à la scientificité tant proclamée, ils s’abandonnent à la psychologie comportementale, dont pullulent désormais les versions. L’inculture juridique fait le reste.
Cela dit, il n’est ni possible ni utile d’entamer une réflexion sur cette matière, si au préalable le lecteur praticien n’est pas invité à constater un certain nombre de faits, caractéristiques d’un mode d’interrogation apparemment scientifique. Apparemment seulement, car ses propres assignations culturelles, c’est-à-dire, au sens littéral que je donne à ce terme, légalistes, demeurent dans l’ombre, et je ne pense pas que sortir de cette ignorance soit à l’ordre du jour. Or, quelques faits essentiels doivent être relevés et interrogés. Quels sont-ils ? Je noterai premièrement ceci : la psychiatrie se développe dans un régime international de flottement des catégories et tout le monde semble s’attendre à ce que, grâce au progrès des recherches de laboratoire (notamment du côté de la pharmacologie), la question des classifications classiques se dénoue définitivement. Fabriquer des molécules originales à partir desquelles des médicaments polyvalents seront servis aux patients, c’est s’engager dans une doctrine du diagnostic où les doses du produit consommé doivent être définies à partir de catégories entièrement objectivables. Les nouveaux équipements techniques exigent des classements sûrs et, de la part des psychiatres, un entraînement méthodique à se dessaisir de leur subjectivité afin d’entrer efficacement dans la conception de ce qu’on nomme en logique l’arbre de décision, notion devenue familière aux spécialistes industriels de la gestion ; vis-à-vis d’un tel processus de raisonnement, je dirai qu’à la limite n’importe qui devrait pouvoir parvenir à poser un diagnostic, car effectivement la doctrine de la théorie décisionnelle nous entraîne vers un bouleversement – obtenu, notons-le, sans discussions approfondies sur ses fondements – de la notion même d’interprétation. D’ailleurs, n’assistons-nous pas à un remue-ménage sous-étudié, du fait que, la psychiatrie se rapprochant de plus en plus de la médecine scientifique, le langage issu des anciennes catégories semble perdre en rigueur à mesure que se développe la quantification ? Mettre en avant échelles et scores revient à calculer scientifiquement les degrés de gravité d’une affection. Au surplus, en référence à l’efficiency les catégories classiques varient elles aussi à travers les pa industriels : le distinguo psychoses-névroses-perversions, affiné en France dep· H. Ey par J. Delay et P. Pichot, n’a pas cours en Amérique du Nord où la classification D.S.M.-III semble se prêter davantage a liaisons méthodologiques avec l’objectivation quantifiée6. Ainsi régime de flottement, s’il ouvre la voie aux sciences industrielles du comportement, implique-t-il un recul de la critique fondamentale, dans la mesure où la problématique du sujet inconscient trouvant en définitive édulcorée, l’inconscient se trouve reporté dans la comptabilité des simples paramètres.
En second lieu, le constat d’une défaillance de très grande portée doit être fait : le manque d’intérêt des travaux prétendus interdisciplinaires à l’égard de la conception psychosomatique de I’homme, conception précisément inséparable des transmissions occidentales de la légalité scientifique. Les initiatives médico-psychiatriques, comme les efforts entrepris par quelques analystes pour développer sur des bases moins étroites le secteur dit de médecine psychosomatique, ne peuvent pas ne pas tenir compte de l’institution occidentale du sujet, des jeux légalistes du psycho-somatisme en tant que conception d’un statut de la psychè, sans manquer à l’éthique de la scientificité proclamée. Là, nous touchons du doigt la difficulté d’une interrogation sur la connaissance, dès lors que tous les savoirs concernant la psychè s’avèrent être aussi des produits d’une culture anthropologiquement spécifiée, mais soumise comme toutes les cultures à l’impératif fonctionnel de se méconnaître en tant que système de reproduction dogmatique. Certes, il s’agit là d’un champ d’accès très difficile, mais la psychanalyse, qui après tout peut être qualifiée d’accident de la pensée dans l’histoire des sciences, devrait avoir à dire là-dessus quelque chose de fondamental, car elle affronte par hypothèse le phénomène dogmaticien dont relève l’étrange savoir opérant sur cette autre scène qualifiée par Freud d’Inconscient. Sans aucun doute, Lacan s’est fortement engagé en direction de cette épineuse problématique ; cependant, on ne saurait créditer ses disciples ou successeurs affichés d’avoir fait leur propre pas dans une voie aussi mal balisée et semée d’embûches ; souvent idéologues, beaucoup ont abandonné l’effort de définir dans toute son ampleur la problématique du sujet et d’en découvrir les attaches avec les procédures du savoir institué propre à la culture occidentale, dont la psychiatrie et plus généralement les disciplines tournées vers la psychè tiennent, par héritage en somme, une taxinomie fondamentale. À partir d’un tel constat, il devient plausible que certaines impasses de ces disciplines ne soient même pas aperçues. Dans ces conditions, c’est-à-dire faute de formulations justifiées par des études sur l’institution du sujet, la quantification et la logique des paramètres sont appelées à tout recouvrir.
Mes remarques vont porter sur deux questions : d’un point de vue institutionnel, qu’est-ce que classer ? qu’est-ce que classer le sujet ?
Penser les savoirs sur la Raison en dehors d’une problématique de la Loi est une donnée essentielle de la très longue histoire du principe des interprétations en Occident. Cette donnée comporte une prise de position, quant à la nature du rapport entre le savant et son savoir, au moyen d’un art de la division. Que nous en soyons toujours dépendants, c’est ce que je voudrais éclairer en évoquant brièvement l’histoire mal connue du juridisme industriel et ses conséquences sur nos manières d’instituer la connaissance.
Quelques mots d’histoire. Il faut certainement remonter, dans l’économie des textes qui fondent l’Occident, à la première discussion juridique authentifiant le christianisme par rapport aux commentaires juifs de la Bible : le premier concile de Jérusalem, tenu aux temps apostoliques, qui posa la question de la circoncision pour les chrétiens, c’est-à-dire la question du mode d’interprétation de cette prescription biblique fondamentale. On sait l’importance cruciale, dans la tradition latino-chrétienne, du procès sans cesse renoué grâce auquel le Iittéralisme juif a servi de repoussoir aux juristes européens pour fonder une doctrine de la rationalité des interprétations, qui devait finalement conduire à asseoir le droit romain impérial, redécouvert au Moyen Âge, comme science des catégories de la normalité et de la normalisation sociales jusqu’à l’avènement du système industriel que nous connaissons. J’ai longuement insisté là-dessus dans mes travaux7, en raison du fait que la psychanalyse constitue, à l’égard de cette marque historique et culturelle, une sorte de démenti, la prise en compte inattendue de ce que l’empire du droit romain et du christianisme, nouant notre modernité institutionnelle à l’époque de la Scolastique, avait réfuté et refoulé vers une marge des savoirs : l’interprétation somatique. Je vais revenir sur ce terme, mais notons au passage la portée d’un mot de Kafka à propos de Freud, qualifié par lui de « dernier des talmudistes ».
Pour comprendre l’expression interprétation somatique, il faut revenir aux controverses théologiques sur l’Écriture Sainte, auxquelles est associé le nom d’un des plus grands auteurs de l’Antiquité chrétienne, Origène (IIIe siècle), dont les œuvres ont brillé comme une référence obligée à travers les polémiques sur le savoir de l’interprète et la garantie d’un tel savoir. Le geste extraordinaire d’Origène, se castrant lui-même pour obéir à la littéralité des prescriptions de l’Écriture8, indique clairement l’enjeu d’un classement radical entre interprétations somatiques et non somatiques. Théologien parmi les plus savants, auteur judaïsant familier des commentaires rabbiniques, Origène se situe au versant non rationaliste, et il est nécessaire de le replacer dans cet entre-deux des discours de l’exégèse sur la parole divine, afin d’apercevoir la frontière de deux systèmes où la problématique de la division n’est pas abordable de la même façon. Il s’agit, quant à la notion même du connaÎtre, de mettre le corps humain en scène, le corps humain en tant que corps qui sait par rapport à la Loi. De ce point de vue, il y aurait lieu de s’interroger sur l’énigme que représente la notion d’écriture comme inscription de la Loi, et d’étudier la différenciation des cultures sur le terrain des pratiques de circoncision ; comment le régime industriel – régime en principe indifférent à ces pratiques (si ce n’est pour les raisons d’hygiène tant proclamées aux États-Unis !) – règle-t-il l’inscription de la Loi et que signifie pareille question dans un système comme le nôtre ? Sur la base de ces observations, il devient plus aisé, me semble-t-il, de concevoir en quoi consiste la légalité d’un système de sciences et pourquoi, aussi scientifique qu’elle puisse devenir en se rapprochant des techniques médicales de pointe, la psychiatrie ne peut échapper à cette légalité.
Sommairement, je dirai que la légalité d’un système de sciences se manifeste par la pratique d’un art de la division. Il y a, pour reprendre ici une formule fondamentale colportée par les juristes européens depuis le droit romain, une division suprême et souveraine, une summa divisio dont découlent toutes les autres. Cette division suprême sépare deux conceptions du principe d’interprétation, deux manières de définir et mettre en place les savoirs du corps, c’est-à-dire à la fois le corps humain et ses propres modes de connaissance, inconscient compris, et les savoirs relatifs au corps, y compris dans la dimension inconsciente de tous ceux qui contribuent à construire et manœuvrer ces savoirs désormais de plus en plus impliqués dans le développement industriel des sciences et des techniques. Autrement dit, les savoirs du corps quels qu’ils soient se trouvent dans le champ historique, social et culturel – culturel, au sens fort qu’ont reconnu à ce mot les anciens juristes9 – d’une dépendance essentielle par rapport à la summa divisio entre interprétations somatiques et non somatiques. Nous connaissons notre camp, en fonction de cet abord de l’interprétation et du principe de Raison.
Réfléchissons à ce que la tradition savante occidentale devait progressivement élaborer pour tirer parti de la conception non somatique de l’interprétation. Je résumerai ainsi les choses : elle a mis le corps humain à distance du sujet. Non pas que les cultures de l’autre camp n’aient pas été capables elles aussi d’un tel tour de force, mais le point remarquable du mouvement européen d’exaltation des sciences (j’emploie ici la forte expression de Francis Bacon10) n’est pas d’être parvenu à la scientificité moderne ; il est d’avoir utilisé le système du droit romain et les savoirs interprétatifs d’un juridisme fondé non pas sur l’ordalie mais sur l’objectivité des preuves, pour jeter les bases institutionnelles de la mise à distance du sujet dans la recherche de la vérité. La philosophie scolastique, puis Descartes, ponctuent en quelque sorte l’histoire de la récupération du sujet, en attendant les éclats de la philosophie allemande du XIXe siècle, essentiellement chez Hegel. Pourquoi de ma part cette rétrospective simplifiée ? Avant tout, afin de convier le lecteur à réviser pour son compte l’opinion courante, issue d’une historiographie installée dans la méconnaissance des fondements juridiques des méthodes positives et rationnelles de l’investigation, qui faute d’éclaircissements érudits, par exemple sur la portée du qualificatif Ratio scripta (Raison écrite) accolé au droit romain ou sur l’histoire du principe d’autorité dans l’établissement des preuves scientifiques, n’est pas encore en mesure de concevoir que la psychiatrie moderne, en son secteur le plus avancé vers la quantification, puisse être aperçue comme l’accomplissement et la résultante d’une histoire dogmatique et d’un principe de division juridique. La mise à distance du sujet, l’objectivation du corps et l’utilisation de la psychanalyse comme science du paramètre inconscient, voilà les produits d’un juridisme qui malheureusement s’ignore lui-même.
Si une scientificité un peu plus libre que celle que nous pratiquons pouvait un jour prochain s’imposer, au moins près des instances hospitalo-universitaires les plus significatives, la psychiatrie reconnaîtrait plus aisément la nature de ses propres interrogations sur la connaissance, c’est-à-dire en définitive son lien de droit (au sens romain du terme juris vinculum), son rapport de dette avec le juridisme et les savoirs dogmaticiens sur la Loi ; en cette matière si peu élucidée, nous disposons désormais de quelques repérages dus à des chercheurs particulièrement instruits de la tradition, bien que la portée de leurs découvertes puisse encore leur échapper11.
Précisons maintenant quelques conséquences de tout cela. De fait, instituer la connaissance est une formulation qui oblige à reconsidérer notre idée de la formation des sciences et du fonctionnement intime des mécanismes rapportables à la pratique scientifique du côté du savant, pratique fortement analysée, dans un domaine autre que celui ci, par un Max Weber. Aussi, ai-je parlé de manières. La psychiatrie ne saurait fonctionner en vertu des seuls engrenages reconnus de la science en régime hyperindustriel, sauf à ériger celle-ci en entité, auquel cas sous la référence à la Science vient se loger un discours hautement traditionnel, celui-là même qui assujettit, comme l’a montré le travail de M. Herberger, médecine et droit dans le champ commun de la Loi. Nous sommes renvoyés par là à un mode d’interrogation sur les classifications que je qualifierai d’ultra-classique, aujourd’hui fort imprudemment délaissé ; on se leurre gravement en pensant que, dans le monde contemporain promis aux échanges planétaires comme à une modification des rapports de force dans les institutions internationales chargées de négocier les transferts scientifiques et techniques, les autres cultures enregistreront sans réagir notre principe de division, fondé comme je l’ai indiqué. Afin de souligner l’intérêt de ce questionnement, je vais faire remarquer, par un très bref inventaire, quelques conséquences significatives du système occidental :
– Pensée hors institutions (sauf bien entendu sur le terrain de l’histoire sociale et politique), la psychiatrie n’a jamais fait le lien entre les savoirs sur le corps et la psychè et les institutions traditionnellement opérantes pour notifier dans l’humanité l’assignation du sujet à la Loi. Là encore, il s’agit d’une pratique de l’art de diviser et j’ai tenté de montrer, dans un traité consacré aux classifications occidentales de la danse12, les effets de notre pratique historique de ce discours d’une médecine de l’âme sur nos conceptions psychosomatiques, si éloignées des psychiatries sauvages. Mal informées des élaborations légalistes européennes à propos des danses et du juridisme chorégraphique, les thérapies du corps associées aux cures de la maladie mentale ressemblent davantage à des propagandes soutenues par la mode qu’à des mises véritablement préparées par une réflexion sérieuse.
– Le manque d’intérêt à l’égard de l’histoire juridique et des échafaudages de la légalité provoque, dans le milieu thérapeutique en général, les plus dangereuses incertitudes dès qu’il s’agit d’aborder la dynamique familiale et de reconnaître au sujet sa place dans une pathologie qui, par hypothèse, le dépasse. Névroses, psychoses ou perversions ont toujours leur lien caché avec une dynamique familiale, et sans l’élaboration des échanges dans l’économie généalogique il ne saurait y avoir, à proprement parler, de travail d’analyse (analyse, au sens le plus large) pour un sujet quel qu’il soit. Or, que voyons-nous ? Des modes réitérées, une effervescence autour d’initiatives de recherches stylisées généralement en Amérique du Nord, telles que les brillants travaux de l’école dite de Palo Alto, déversés en Europe sans critique. Or, de quoi s’agit-il ? Essentiellement, de la question généalogique en Occident, c’est-à-dire de la manœuvre sociale de base pour traiter l’inceste en faisant entrer le sujet dans la Loi. Cette manœuvre sociale se résoud en une problématique des classifications autour de la question du père. Il faudrait, afin d’aborder correctement une étude aussi cruciale pour la psychiatrie, des travaux d’un genre nouveau, capables de soutenir l’interrogation classique sur le rapport de la médecine avec l’univers de la Loi.
– Ayant affaire à la question du meurtre, par hypothèse dirais-je, la psychiatrie, telle qu’elle se trouve placée sur l’échiquier des savoirs, se trouve dans la position de toutes les disciplines « psy » : faute d’un rapport satisfaisant avec les interrogations classiques du juridisme sur le meurtre (accompli ou seulement pensé) et sur le pouvoir, la criminologie et la doctrine des passages à l’acte servent de repoussoir pour vider la question. Autrement dit et malgré les matériaux apportés par Freud, la problématique du meurtre, indissociable de ce que nous appelons en Occident le pouvoir, c’est-à-dire pour reprendre un mot du juriste-anthropologue allemand Bachofen le Vatertum, ne peut être posée dans toute son ampleur13. Il s’ensuit des naïvetés dans le discours sur la clinique, un manque de précision et une certaine inconsistance du côté des expertises notamment, matière qui devrait être réexaminée dans ses fondements.
Du point de vue institutionnel, la problématique des classifications porte avant tout sur l’élément culturel de base du savoir juridique, c’est-à-dire sur le rapport élémentaire du système des interprétations avec le corps humain, et conduit inévitablement à réinvestir la question du sujet, formulée ici : qu’est-ce que classer le sujet ? L’équivoque de cette formulation a certainement l’avantage de notifier d’emblée deux versants de la question. D’une part, la notion même de sujet doit être précisée, selon une acception qui soit de nature à bien faire entendre la complexité et l’importance d’un tel concept ; en d’autres termes, comment se présente l’accès institutionnel du sujet ? D’autre part, les tendances de plus en plus radicales, malgré les efforts de quelques-uns pour fonder une psychologie médicale vraiment critique14, à objectiver l’objet clinique de la psychiatrie au moyen des techniques les plus avancées d’une sorte d’engineering de la psychè nous entraînent sur un terrain, à vrai dire classique en dépit des apparences, où l’interrogation la plus pertinente devient : par quel mécanisme le sujet peut-il être éliminé ? On le voit, dans les deux cas il s’agit d’élever les problèmes de l’art de diviser au niveau théorique d’une anthropologie de la connaissance, une antropologie digne de ce nom, je veux dire dégagée des obscurs et obscurantistes débats idéologiques.
Essentiellement, nous allons retrouver des considérations sur la clinique et la généalogie, plus exactement sur le principe généalogique en Occident et son traitement par les savoirs dogmaticiens traditionnels dont nous sommes, aujourd’hui encore, dépendants. Faut-il rappeler le sens de la clinique, comme science du lit ? La remarque me paraît nécessaire, afin de situer mes développements dans l’historiographie juridique et l’anthropologie du sujet.
Le traitement du principe généalogique est indissociable du travail de ces cliniciens du sujet qu’ont été les juristes civilistes depuis l’Antiquité qui, à travers ces formes rigides (durch strengen Formen) si justement remarquées par Bachofen et avec les grands moyens de la logique du droit romain, ont assuré en Occident le triomphe du principe romain de paternité. Notre juridisme ancestral, auquel est liée, sans malheureusement qu’elle le sache, la psychiatrie, est d’abord ancré dans la science du lit de la naissance, remarque très intéressante si l’on veut bien se souvenir que la notion même de blessure de la Raison (traduction littérale de laesio Rationis) signifie fondamentalement une blessure de la fiction, c’est-à-dire en fait une blessure de la fiction du père. La clinique juridique, c’est, avant tout, cela : fabriquer la classification à partir de laquelle il devient possible de répondre à la question : qu’appelle-t-on naître ?
La Raison écrite dans le droit romain (remarquable notation des juristes européens de la Scolastique médiévale, je le rappelle) stipule qu’il faut naître deux fois (notation que vous retrouverez chez Hegel), une première fois biologiquement, une seconde fois ex patre. Autrement dit, il faut naître à la fiction, de cette manière étrange qui consiste à naître du père dans la dimension du comme si, comme si le père était une deuxième mère15. La philosophie allemande du als ob, si riche à travers le débat soulevé par Vaihinger au début du siècle, a certainement très bien senti le débouché métaphysique du juridisme occidental, dont nous ne devons jamais oublier la base sur laquelle il repose : un discours sur la fonction paternelle et le lien de celle-ci avec le principe de Raison.
Toute la manœuvre dogmaticienne élémentaire, à laquelle je viens de faire une brève allusion, se résoud en une mise en place du sujet et en une mise sur le sujet. Sur les difficultés incluses dans ce propos, je vais faire quelques observations :
– La force d’un système juridique et sa capacité de perdurer à tra vers une histoire sociale (fort agitée dans le cas européen) tiennent à la solidité de son dispositif généalogique. Il y a eu, à l’échelle du système occidental tel que l’histoire du droit le révèle, un processus de simplification du système de parenté, dont il faudrait tenir compte afin d’apprécier la nature des propositions d’entrée dans la Loi faites au sujet. Nous sommes dans une culture qui a télescopé la fonction biologique du géniteur et la fonction paternelle, ce qui constitue, par rapport à d’autres cultures, probablement une radicalisation des enjeux inconscients. L’institution généalogique implique, si j’ose dire un certain choix dans la politique des moyens pour métaboliser l’inceste. Ainsi fonctionne le jeu des classifications de la parenté : mettre le sujet humain à sa place dans les générations successives et faire en sorte qu’il devienne successivement fils et père, fille et mère, par le mécanisme d’une filiation reconnue, c’est-à-dire que le commerce des places fonctionne légalement, autrement dit sans folie. Les classifications de la parenté doivent être observées sur un mode de stricte légalité dans la perspective de la reproduction humaine, les institutions ayant en charge de faire naître les humains et de les acheminer vers la mort. Schématiquement, un système institutionnel n’est rien d’autre. En définitive, c’est à travers la pathologie du lien généalogique, à travers les classements de cette pathologie, des diverses espèces de « blessure de la Raison », que l’interrogation du sujet se propose en dilemme : qui est le sujet ? L’individu comme sujet de son propre discours, ou le système juridique de la Loi et son discours, fonctionnel en somme, porteur des assignations légales pour la reproduction des humains promis à la mort ? La psychanalyse nous oblige à considérer ce doublage comme une donnée fondamentale. De là, ma remarque suivante :
– En fait, si l’on tient compte de l’équivoque fondatrice du sujet (équivoque méthodiquement escamotée par les simplismes idéologiques opposant le sujet au social), la psychiatrie constitue avant tout une réponse juridique. Topologiquement, dans l’ordre des espaces dogmatiques où se nouent le biologique, le social et l’inconscient – notons au passage ce nouage fondamental –, la place de la psychiatrie n’a pas changé dans l’histoire occidentale, quoi qu’il en soit des méthodes non scientifiques ou ultra-scientifiques qu’elle utilise. Cette remarque doit être complétée par ceci : en tant que catégorie juridique des savoirs sociaux sur la Loi et la Raison, la psychiatrie doit être étudiée également dans son rapport traditionnel avec les sous-systèmes classificatoires qui l’accompagnent nécessairement, accomplissant la fonction des célébrations sociales du désir. Qu’est-ce à dire ?
– Il s’agit de considérer le lien qu’entretiennent les systèmes de discours ayant à notifier aux humains la Loi de la reproduction avec ce que j’appellerai ici l’institution thérapeutique de base : les célébrations sociales du désir. Pour comprendre cette formule, il faut évoquer la problématique du désir et du renoncement (renoncement à l’inceste), cette voie par laquelle religions et mythologies font leur entrée. Sur des registres différents mais selon la même visée, il est utile de comparer la culture industrielle et les autres. Ainsi ai-je proposé un parallèle entre les danses de possession étudiées par Jean Rouch dans son film Les Maîtres Fous et l’opéra de Mozart16. Faute de pouvoir développer ici cet aspect des choses, je me bornerai à rappeler un point que j’ai plus d’une fois notifié : pour la psychiatrie d’origine européenne, l’idée thérapeutique ne plonge pas seulement ses racines dans l’histoire de la médecine expérimentale, mais dans le développement des doctrines théologiques sur les Secours (traduction littérale des traités De Auxiliis), c’est-à-dire sur la grâce divine et la médecine de l’âme. L’important pour nous n’est pas d’accumuler les anecdotes historiographiques ni d’en classer les auteurs et les thèmes, mais de relever la place logique de tels discours, socialement si efficaces au titre des offres d’un langage socialisé au sujet du désir inconscient. Que notre société utra-scientifique soit sécularisée ne change rien à l’affaire, car il s’agit de logique : la partie du sujet inconscient, du sujet de l’Autre Scène dont parlait Freud, est jouée inévitablement et doit l’être en toute société. De ce point de vue, on peut dire que le marché actuel des thérapies accomplit aussi cette fonction : occuper la place d’un discours mythologique. Même dans la caricature et l’aveuglement d’un psychologisme parfois fort indigent, le dispositif du marché des thérapies n’en constitue pas moins une réitération de la doctrine des Secours ; il n’a pas besoin d’être scientifique pour opérer.
– Une remarque encore. Le foisonnement des questions, à propos du sujet, suggère que, sur le terrain des classifications et d’une réflexion sur le mode de connaissance qui les soutient ou qu’elles induisent, l’essentiel est d’identifier et de situer l’axe autour duquel finalement gravitent et les pratiques, et les discours-symptômes que nous désignons du terme énigmatique de patients et que la psychiatrie a pour fonction de jure de nommer d’après une taxinomie qui n’a pas besoin d’être scientifique pour être toujours fondée. Aucune classification d’aujourd’hui ne peut être tenue pour rigoureuse, si le savant qui l’élabore ou l’utilise n’en sacrifie pas quelque chose en s’interrogeant rigoureusement sur le sujet. Là-dessus, le travail de Lacan, quoi qu’il en soit de ses commentaires actuels, a été tout à fait démonstratif. Quant à l’incertitude concernant les éléments nosographiques à retenir, ou les critères de différenciation des grandes catégories psychiatriques, ou la manière de fixer une combinatoire de celles-ci, la référence au juridisme n’est sans doute pas inutile à rappeler éventuellement, dans des enseignements qui chercheraient à défendre l’esprit scientifique contre le scientisme qui nous guette. La psychiatrie en tant que science du principe généalogique et des pathologies du lien du sujet à la Loi peut rendre compte, par exemple, d’un élément de perversion dans une névrose obsessionnelle, au titre du travail de sauvegarde du sujet inconscient contre la menace de psychose, c’est-à-dire au titre du mécanisme de la créativité névrotique dès lors que le père est en jeu. Etc. Autrement dit, rendre compte implique que la question du sujet de la parole soit mise au premier rang des questions dont répond – je ne dis pas : auxquelles il répond – un enseignement digne de ce nom.
1. Ma note : « Freud au travail des mots. À propos de la découverte du Trieb », dans la publication locale Poinçon, N° 1 (1981), p. 64-68 (bulletin publié à Strasbourg) consultable ici.
4. Mot grec moderne, à partir de ταξις - taxis, ordre et νομος - nomos, loi. En grec ancien, les deux mots restent séparés, mais ταξις est associé à diverses tournures utilisant νομος et ses dérivés (cf. Par exempls, Platon : Le Politique, 305 c., Les Lois, 925b)
13. Cf. mes remarques in Leçons II, op. cit., p. 60 et suiv.
14. Cf. l’ouvrage de L. Israël, Le médecin face au malade, Bruxelles, Dessart-Mardaga, 1968.
15. Cf. mes Leçons II, p. 161 et suiv.
16. Bibliographie dans mes Leçons II, p. 123 et suiv.
Résumé : L’étude des fondements institutionnels de la connaissance constitue aujourd’hui un champ entièrement renouvelé. À plusieurs titres, la psychiatrie contemporaine relève, elle aussi, de ce champ, puisqu’il s’agit de ceci : mettre en évidence la fonction du psychosomatisme comme invention culturelle et catégorie légale de l’anthropologie occidentale, évaluer, dans la perspective dogmaticienne du système industriel des sciences, les conséquences de la quantification généralisée, préciser ce qu’il advient de la notion même de clinique. Mais, que devient le concept de classification ? La question n’a jamais cessé d’être fondamentale. De nos jours, elle conduit à constater l’avènement d’un véritable engineering de la psychè, à restituer à la taxinomie, moderne, européenne ou nord-américaine, sa place historique dans la descendance des modes dits non somatiques de I’interprétation, enfin à s’interroger sur les avatars du sujet de la parole quand l’inconscient se trouve comptabilisé parmi les simples paramètres et, du même pas, éliminé comme référence fondatrice ici de l’art de diviser.
CLASSIFICATION AND KNOWLEDGE
Summary : Today, the study of the institutional bases of knowledge constitutes an entirely new field. There are several reasons why contemporary psychiatry also belongs to this field for it is essentially a question of proving that the part played by pschosomatism is a cultural invention and legal category of occidental anthropology ; of assessing, from the dogmatic point of view of industrial system of sciences, the consequences of generalised quantification : of specifying what happens to the verynotion of clinic. But what becomes of the concept of classification ? The question has always been fundamental. Nowadays, this brings us to accept the advent of the true psyche-engineering, to restore to modern taxinomy, either European or North-American, its historical place in the descent of the so-called non-somatic means of interpretation, finally to examine what happens to speech when the unconscious is listed as one of the simple parameters and, at the sale time, discarded as a reference which, in this case, is essential to the art of classification.
CLASIFICATION Y CONOCIMIENTO
Resumen : El estudio de Ios fundamentos institucionales del conocimiento constituye hoy un campo enteramente renovado. A varios títulos, la piquiatría contemporánea pertenece, también ella, a este campo, ya que se trata de los siguiente : poner de relieve la función de psicosomatismo como invención y categoría legal de la antropología occidental, evaluar en la perspectiva dogmaticana del sistema industrial de las ciencias, las consecuencias de la cuantificación genaralizada y precisar lo que de la propia noción de clínica. Sin embargo, ¿ en qué se convierte el concepto de clasificación ? La cuestión nunca ha dejado de ser fundamental. Hoy en dia, conduce a constatar el advenimiento de un verdadero ingeneering de la psique, a restituir a la taxinomia moderna, europea o norteamericana, su lugar histórico en la descendencia de Ios modos dichos no somáticos de la interpretación ; por otra parte, a interrogarse sobre Ios avatares del sujeto de la palabra cuando el inconsciente se encuentra contabilizado entre los simples parámetros y, por ende, eliminado como referencia fundadora aqui del arte de dividir.
KLASSIFIKATION UND WISSEN
Zusammen fassung : Die Untersuchung der institutionellen Grundlagen des Wissens stellt heutzutage ein vôllig neues Gebiet dar. In mehrerlei Hinsicht gehört die gegenwärtige Psychiatrie auch zu diesem Gebeit, da es sich dabei darum handelt, die Funktion der Psychoso matik ais kulturelle Erfindung und gesetzliche Kategorie der westlichen Anthropologie aufzuzeigen, aus der dogmatischen Perspektive des industriellen Systems der Wissenschaften die Konsequenzen der generalisierten Quantifizierung zu bestimmen, und schliesslich das zu prazisieren, was unter dem Begriff selbst der Klinik verstan den wird. Aber was ist mit dem Begriff der Klassifikation ? Die Frage war seit jeher fundamental. Heutzutage müssen wir die Einführung eines regelrechten « engeneering » der Psyche feststellen, der modernen europaischen oder nordamerikanischen Taxonomie ihre geschichtliche Stellung in der Deszendenz der sogenannten nicht somatischen Interpretationsmodi zurückgeben, und müssen uns schliesslich Fragen stellen über die Metamorphosen der « Bedeutung » des Wortes, wenn das Unbe wusste zu einfachen Parametern gezahlt wird und damit ais Grundreferenz bezü glich der Kunst, eine Klassifikation aufzustellen, eliminiert wird.
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