Ars Dogmatica

Pierre Legendre

Un regard extérieur intérieur

Ce livre, d’une si intense et subtile réflexion, invite à interroger le rapport au pouvoir despotique que recouvre le terme de colonialisme.

Son titre sans équivoque - L’Ennemi intime - projette sur le devant de la scène la dimension subjective. Il introduit d’emblée le lecteur dans cette zone peu fréquentée où l’étude de la relation aux formes économiques, politiques et autres de la colonisation a pour noyau le sujet lui-même ; ici, pour reprendre l’expression d’Ashis Nandy, l’« Indien non héroïque dans sa lutte contre la puissance de l’Occident ».

Publié en 1983, réédité en 1998 dans son recueil Exile at Home, l’ouvrage n’appartient pas au genre des rétrospectives ; il établit une continuité entre la colonisation première, l’historique, et la seconde, celle des esprits, mais aussi entre l’avant et l’après­-colonisation. Une continuité qui amène la question essentielle : que veut dire, pour la conscience indienne d’aujourd’hui, vivre la modernité mondialisée sans renoncer à ce que l’on est ?

L’importance de cet essai tient à la prise en compte de la logique commune à la construction subjective et à l’édification des cultures. L’auteur manie l’«hypothèse d’un certain continuum entre personnalité et culture, considérées dans leur potentiel politique et éthique».

Le colonialisme touche à l’enjeu humain fondamental, à la problématique universelle de l’identité/altérité, de sorte que cet ordre de violence rejaillit sur la condition des «vainqueurs - victimes camouflées, à un stade avancé de décomposition psychologique».

Je suis reconnaissant à mon érudit ami Charles Malamoud de m’avoir fait découvrir une pensée qui, au-delà du cas de l’Inde, éclaire la substance de l’histoire coloniale et de ses suites. Je remercie Annie Montaut, l’éminente lectrice et traductrice de l’œuvre d’Ashis Nandy, d’avoir rendu possible cette publication.

 

Note marginale à L’Ennemi intime. Perte de soi et retour à soi sous le colonialisme de Ashis Nandy, Les quarante piliers, Fayard, 2007

Emblème

Solennel, l’oiseau magique préside à nos écrits.
Le paon étale ses plumes qui font miroir à son ombre.
Mais c’est de l’homme qu’il s’agit :
il porte son image, et il ne le sait pas.

« Sous le mot Analecta,
j’offre des miettes qu’il m’est fort utile
de rassembler afin de préciser
sur quelques points ma réflexion. »
Pierre Legendre

« Chacun des textes du présent tableau et ses illustrations
a été édité dans le livre, Le visage de la main »

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