Jouir du pouvoir
Comment le pouvoir s’y prend-il pour nous faire ? Tous les discours délirent, dès lors que s’agite cette question, imaginairement résolue ; notre enfance là-dessus ne se dément pas. Instituer une reproduction suppose un savoir édifié sur le sexe, et la passion pour cette espèce de vérité. Au sujet des institutions nationales est imposé un discours prêt-à-parler, qui vide la question de la parole.
L’amour politique constitue le sujet du nationalisme, ce sujet qui n’a rien à dire, résonnant seulement du désir inspiré. Les chefs légalement parlent à sa place, d’un paradis sans différences, où se déclasse la guerre civile elle-même. L’État pur est ainsi la pureté même, et les chefs nous rendent le service du salut. Ainsi délire le centralisme, sublime doctrine d’un monde sans coupure, où personne ne marche sans la référence aux idoles.
Le régime industriel ne saurait se répandre hors d’une telle barbarie. La plus moderne technocratie se nationalise en France, à l’aide du vieux discours de l’amour dévorant. Aucune manipulation n’est plus efficace que celle-là. Pour le reconnaître, il faut descendre jusqu’au Texte, au point précis de la dogmatique où travaillent les légistes; la croyance centraliste, inescamotable et totalement incomprise, se montre là en un style d’innocence, décrétant sur la jouissance.
P.L.
Épiphanie du pouvoir incarné, coiffé et costumé du Souverain, grand Moghol (tableau de Willem Schellinks)