Le registre des causes civiles et criminelles de la Justice de Choisy-Le-Temple 1475-1478 – Note bibliographique
Le registre des causes civiles et criminelles de la Justice de Choisy-le-Temple : 1475-1478, édité et commenté par Marie-Claire Chavarot, préface de Jean Hilaire. Paris, Centre d’étude d’histoire juridique (Université de Paris II et Direction des Archives de France), 1992, 198 p.
Bel exemple d’histoire microscopique, que cette publication du registre des causes d’une juridiction seigneuriale exerçant ses compétences au plus humble niveau de la vie rurale à la fin du Moyen Age.
L’auteur, archiviste méticuleuse, aussi attentive à la facture scripturale du document qu’aux indications juridiques ou sociales qu’il contient, a fort justement souligné, dans son introduction très ramassée, la nature de l’entreprise : “le registre ayant été retenu un peu au hasard parmi d’autres de même type, a donc le mérite de la plus entière banalité”. C’est par de tels détours, en suivant la trame des modes des pratiques judiciaires, que l’histoire du droit s’assure de son terrain. La justice ici est exercée au nom du Grand Prieur de France (entendons, après la réunion des biens du Temple à ceux de !’Hôpital au XIVe s., l’un des trois prieurés issus du découpage de 1317). Le registre offre une grande diversité d’affaires, autant civiles (dettes impayées, gages, construction de bâtiments, arrérages de rentes,… ) que pénales (coups et blessures, paroles injurieuses, blasphèmes, vols, nuisances d’animaux,… ).
Mais au-delà des affaires ainsi portées devant juge, et me semble-t-il, plus intéressant encore que celles-ci, est le fait des procédures, dont le côté technique (voir par exemple, p. 41, le serment de calompnia, qui doit tant à la tradition canonique), la régularité (ainsi les renvois d’audience) et la parfaite assimilation du droit par les justiciables de ce niveau social si modeste (par exemple, les garanties) sont véritablement impressionnants.
Traduisons en termes généraux la portée de cette juridiction ordinaire du premier degré : le maillage juridico-judiciaire de la France encore si féodale, qui constitue un phénomène insuffisamment médité ; c’est en effet sur la base de ce juridisme populaire, que peut se comprendre l’avènement insensible de l’État juriste en France. Quant à la présentation matérielle de ce précieux document, sa clarté, l’aide apportée au lecteur par des notes en bas de page, le scrupule des renvois au texte sont au-dessus de tout éloge. Aurait-il été possible d’envisager un index rerum, au moins pour certains thèmes juridiques importants ? Je serai, parmi les lecteurs-utilisateurs, de ceux qui pensent que oui. Que ce vœu soit transmis à l’auteur et aux futurs auteurs d’autres publications de la même veine, dans cette série ouverte par le Centre d’études-d’histoire juridique.
Pierre LEGENDRE