Ars Dogmatica

Pierre Legendre

Politique tirée du juriste. Remarques sur le champ d’une histoire de la science du droit et de l’administration

Il est un domaine dans lequel l’histoire du droit est appelée à jouer un rôle déterminant pour justifier un renouvellement des recherches au versant de la théorie de l’État et des références du système d’organisation industriel à la Loi : le champ des phénomènes administratifs. C’est là, en effet, qu’opère un recours généralisé à la science comme fondement nouveau de la gestion sociale et que les techniques dites managériales, utilisant des données non critiquées de la psycho-sociologie, tendent à accréditer l’idée d’un déclassement des traditions juridiques, telles que précisément l’histoire du droit, en tant qu’histoire des savoirs dogmaticiens en Occident, les a jusqu’à présent plus ou moins clairement spécifiées. Ainsi les phénomènes administratifs se développent-ils aujourd’hui sous l’emprise de doctrines généralement raccordées aux Behavioral Sciences.

Or, ces doctrines comportementalistes, essentielles aux formulations contemporaines du Management1, conduisent inévitablement à considérer la problématique du Droit et de l’État au titre des divers paramètres dont aurait à tenir compte la rationalité de la gestion, et à rejeter dans un magma d’interrogations mal définies, voire superfétatoires, les considérations topologiques consignées par le jargon romain autour de la notion de legitima scientia (Inst., proem., § 4). L’expression malheureuse de “Science administrative”, que la critique française a restituée à Charles Bonnin comme au précurseur d’une appellation devenue une commodité2, est significative de cet écrasement de la problématique la plus fondamentale, à laquelle mon bref exposé se propose d’apporter quelques éléments de clarification.

 

J’ai déjà longuement précisé dans mon enseignement, sans qu’il soit nécessaire d’y revenir ici, les motifs pour lesquels les allusions couramment énoncées au gouvernement scientifique de la société, que j’ai qualifiées d’idéologie rampante et dont il est fait grand usage dans les Universités juridiques, sollicitent particulièrement l’attention des juristes et des historiens du droit. Retenons seulement ceci : du fait même qu’il institue, c’est-à-dire du fait qu’il doit produire des effets de légalité et d’interprétation légaliste, au sens le plus large de ces termes, le gouvernement scientifique rencontre l’interrogation juridique sur la réalité et se trouve en position logique d’avoir à élaborer certains montages de fiction. Aussi avons-nous à reprendre cette question de la fiction, non seulement afin de la réinscrire dans la suite des réflexions, toujours actuelles à mon avis, introduites par Kelsen3, mais pour moderniser notre représentation des systèmes juridiques, en prenant acte du progrès accompli par l’anthropologie depuis Bachofen sur le terrain mythologique où, grâce à quelques remarques fondamentales dont nous sommes redevables à Freud, la logique du réel et de la fiction peut être étudiée aujourd’hui d’une manière de plus en plus pertinente. C’est d’ailleurs dans cette perspective que l’histoire du droit est appelée à prendre un nouvel essor.

 

À cet égard, le secteur administratif est pour nous du plus haut intérêt. La science de l’administration est, en définitive, selon les échelles d’aujourd’hui, un cas particulier de la gestion industrielle conçue comme science universelle de la production des normes. En tant que telle, elle doit être mise à sa place dans la généalogie chrétienne des écrits, c’est-à-dire étudiée en perspective, de manière à faire apparaître l’évolution des différentes espèces d’écrits juridiques dont dépendent les droits administratifs autant que les pratiques bureaucratiques de l’écriture. Cela nous reporte aux textes fondamentaux qui justifient, dans la tradition à la fois recueillie et ouverte par l’école de Bologne, le principe même de la gestion. Autrement dit, il faut ici procéder à l’inventaire de quelques fragments essentiels de Gratien, eux-mêmes inséparables des commentaires de la compilation justinienne4. Une histoire de la science du droit et de l’administration doit donc, avant toute considération de sociologie ou de toute autre discipline, s’intéresser au principe de reproduction des textes tel que le système des glossateurs l’a élaboré, puis transmis, et tenir à distance l’idéologie du gouvernement par la science et au nom du primat de la réalité sociale objective, idéologie réductrice qui transforme l’histoire du droit en une sorte d’anecdote culturelle au milieu du déploiement des formes nouvelles de la normativité et des figures prétendues inédites de la socialisation.

Malgré les critiques qui peuvent être adressées aux propos parfois schématiques (schématiques par rapport à ce que nous avons appris, depuis lors, sur le fonctionnement du social et du sujet) de M. Weber ou de C. Schmitt sur les thèmes de la légalité et de la légitimité5, il reste que ces notions rapportables au travail des glossateurs tracent aux sciences dites sociales leurs limites propres et notifient l’instance juridique comme telle. La spécificité du droit ne peut être éliminée, le droit ne se réduit pas au jeu des paramètres culturels dont fait état la théorie du Management. Autrement dit, la notion de science de l’administration doit être précisée sous l’éclairage juridique, ce qui implique que la science du droit elle-même fasse à son tour l’objet de remarques visant à définir les contours de la fonction juridique d’un point de vue à la fois logique et comparatiste. Ainsi l’histoire du droit pourra-t-elle intégrer l’histoire comparée des bureaucraties de l’ère industrielle, bien que sur ce terrain la problématique soit encore loin d’être formulée de façon satisfaisante. Pas plus que certains essais, à prétention anthropologique, d’une “Science des législations comparées” au XIXe siècle n’ont pu asseoir leur démonstration d’une “loi des lois civiles”6, l’effort comparatiste de délimitation du champ institutionnel, par exemple du côté de l’école de S. N. Eisenstadt7, n’a pu produire de résultats bien convaincants, car cet effort demeure en définitive trop économe d’études qui restitueraient à la fonction dogmatique, par conséquent aux savoirs dogmaticiens, leur espace social spécifique et leurs effets irréductibles8.

Mes remarques vont porter sur les deux points suivants : la fonction du juriste et l’histoire des administrations modernes (II), la science du droit et le classement des bureaucraties en espèces (III).

 

                                                                                           II

 

Nous vivons, pour l’histoire du droit, l’époque d’un virage ou, selon une formule si juste appliquée par L. Krieger aux historiens du XVIIIe siècle9, le turning-point d’une historiographie. Sous peine de disparaître ou de se confondre avec une entreprise de chroniques mises hors du champ scientifique contemporain faute d’hypothèses consistantes, l’étude historique de l’accumulation juridique doit être en mesure à la fois de s’interroger sur l’étendue des sources à explorer et de contribuer aux élaborations concernant aussi bien la pratique du droit dans les systèmes administratifs d’aujourd’hui que la reconnaissance d’une fonction dogmaticienne en pleine transformation du fait de l’utilisation massive des sciences par la bureaucratie industrielle, publique et privée.

Notons en passant la variété des courants d’interprétation qui traversent l’historiographie contemporaine du droit – phénomène qui n’a rien de remarquable si l’on se réfère à la conception même d’une histoire du droit, par exemple autour du concept de droit et de loi10 –, mais notons surtout l’enjeu d’un retour actuel vers les considérations de logique et de théorie de la science. Comme le montrent des initiatives très fécondes11, ce retour est plein de promesses, faisant suite aux impasses d’une histoire du droit qui, me semble-t-il, a trop longtemps misé sur l’outil sociologique, outil encore mal adapté à travailler les questions juridiques. Mais ni l’intérêt pour l’observation du social en tant que tel, ni l’approfondissement du support logicien du droit ne feront l’économie d’une analyse des phénomènes juridiques comme faits de langage. Or, c’est précisément ce point qui demeure le plus difficile non seulement à préciser, mais aussi à faire admettre, parce qu’il soulève des questions élémentaires tenues pour résolues et doit exposer, tout naturellement dirais-je, les chercheurs à cette accusation, sans cesse remise sur le tapis, d’étaler non pas l’histoire ni le droit, mais la mythologie. Rappelons-nous la formule de “mythische Schau” adressée par A. Brackmann  au jeune Ernst Kantorowicz, formule qu’il sut retourner comme un gant12. Il est certain qu’aujourd’hui les considérations topologiques, en provenance de la psychanalyse, sur le langage et la logique du discours soulèvent des réticences analogues, pour ne pas dire la même réprobation.

 

Savoir ce qu’est un juriste et quelle est sa fonction en régime industriel, voilà une question à laquelle il est impossible de se soustraire, du côté des organisations administratives notamment, et dont j’ai montré qu’elle conduit à réviser toute définition du droit fondée sur les critères apparemment les plus rationnels de l’adaptation sociale. Cette fonction du juriste doit être étudiée de nouveau, d’après ce que nous enseigne la haute tradition des glossateurs et sans nous laisser impressionner par ce qui, aujourd’hui sur un mode de plus en plus positiviste, tend à imposer une représentation des plus simplifiées quant à la production sociale des normes13.

Ce qu’il y a d’encombrant dans les systèmes administratifs, désormais aux prises avec les doctrines managériales du gouvernement scientifique, c’est la normativité. Or, celle-ci se réfère essentiellement à la problématique d’une distribution du sens en fonction de l’assignation des places dans le discours des organisations. Directement liée aux éléments qui fondent la reproduction dans l’humanité, la normativité est ce qui donne aux organisations leur caractère d’institutions et spécifie l’interprétation juridique. Autrement dit, la question du rapport à la Loi demeure la question fondamentale pour aborder l’étude des organisations et du rôle qu’y joue la définition des espaces juridiques pour fonder, gérer et réformer les dispositifs de communication. Ainsi se trouvent soulevées, au détour de la recherche sur la fonction du juriste, les difficultés pour déterminer avec précision le périmètre de la science administrative et reconnaître d’où proviennent certaines tendances à la confusion entre des champs qui doivent demeurer distincts14.

Une mise au net doit tenir compte des éléments suivants  :

 

1. La science du droit et de l’administration s’inscrit dans la logique d’un système de textes en expansion. On ne saurait tirer parti de cette remarque, sans relever tout d’abord le caractère descriptif de l’histoire administrative jusqu’à présent, une histoire qui ne dispose pas encore de critères propres et semble se soucier davantage de justifier les démarches sociologiques ou d’alimenter des positions idéales a priori, que de poser aux sciences sociales quelques problèmes inédits. À cet égard, l’examen par Eisenstadt des conditions de perpétuation des empires bureaucratiques est démonstratif15 ; aussi intéressant qu’il soit, cet examen laisse de côté la question d’un principe de reproduction, principe lié au travail juridique et qui inévitablement nous reporte aux concepts structuraux de la reproduction institutionnelle. Quels peuvent être ces concepts, sinon ceux que l’anthropologie juridique du XIXe siècle a commencé de dégager à la suite de Bachofen ? L’histoire administrative est menacée de s’en tenir à une méthodologie sommaire et je rejoins là-dessus une remarque très pertinente d’E. T. Stokes, à propos de la bureaucratie et de l’idéologie16.

Un premier effort consiste à critiquer les effets de ce que G. Le Bras appelait la chronotomie. Dans le cas français par exemple, la radicalisation des positions politiques, depuis la Restauration, autour de la rupture révolutionnaire entre 1789 et l’An VIII fait encore obstacle à l’étude du fonctionnariat comme institution ayant en charge de reproduire le système féodal dans les classes moyennes. Nous disposons de nombreuses études parcellaires portant sur quelques “castes” ministérielles, mais l’examen scientifique du principe de reproduction dans la structure centraliste, prise comme référent des divers éléments de l’ensemble, n’a pas été entreprise. Or, qu’y a-t-il de juridique dans une organisation féodale ? Essentiellement, une manipulation du droit de propriété et la transmission par le lignage, sous l’égide d’un certain traitement du principe de paternité. Le système administratif français a utilisé de manière très efficiente les analogies du droit civil, avec une force comparable à celle dont firent preuve les glossateurs lorsque, par exemple, fut interrogée la doctrine des droits successoraux d’un monastère, appelé à succéder loco filii 17. Si nous prenions la mesure de ces doctrines, d’une facture indiscutablement mythologique (au sens devenu usuel chez les anthropologues), l’histoire du droit administratif prendrait un autre relief que celui que nous lui reconnaissons, car le droit de la fonction publique s’est trouvé littéralement injecté de notions et de raisonnements civilistes. Mais pour des raisons tenant aux censures de l’historiographie française, à ses particularités encore mal étudiées18, l’idée générale d’une histoire du fonctionnariat, qui semble plus familière en Allemagne19, ne paraît pas concevable en France (sauf par touches successives), pas plus qu’il n’est admis de porter attention aux éléments rhétoriques, fort importants à mon avis, de la pratique des administrations en France20. Il suffit d’ailleurs de mettre en parallèle la sociographie en usage et les études conduites pour le compte de l’État réformateur, tels que le Rapport Armand-Rueff sous la Ve République21, pour constater combien cette histoire administrative répugne à l’idée même d’une logique de la reproduction dans la structure centraliste cependant directement liée à la mythologie d’un Père idéal sur laquelle la psychanalyse apporte de remarquables éclaircissements.

Il s’agit donc de poser le système de textes comme corpus, d’en inventorier les sources, c’est-à-dire les limites proprement textuelles et les procédures d’interprétation qui révèlent qu’un principe de reproduction est à l’oeuvre. En d’autres termes, il s’agit de repérer un développement historique du droit en relation avec ceci : le gouvernement social par l’écriture.

 

2. Le gouvernement social par l’écriture doit être tenu pour un thème essentiel à l’histoire des bureaucraties. Non seulement il permet de réintroduire dans le champ d’une histoire de la science du droit et de l’administration les questions classiques élémentaires, telles que les pratiques notariales et de chancellerie les ont notifiées ou consignées, et d’en évaluer la portée sociale et politique, mais il oblige à étendre l’inventaire des sources. Là-dessus, je voudrais présenter ces brèves remarques :

 

Si nous attachions à la production écrite des bureaucraties d’aujourd’hui le crédit auquel, du strict point de vue historique, elle a droit, si par ailleurs l’histoire administrative acceptait comme un fait majeur le phénomène de la transmission des exégèses en dehors de leur contenu de circonstance chez les juristes européens avant les codifications, c’est-à-dire si l’on attachait plus d’attention à la topologie de la communication juridique, un fait politique et social de très grande importance aujourd’hui s’imposerait : l’avènement d’une forme de juridicité jusqu’alors inconnue, prenant les apparences de documents purement techniques, non estampillés par les juristes en exercice. Le fonctionnement quotidien des administrations publiques et privées met ainsi en évidence l’apparition d’une gestion normative, exercée non plus au nom du droit, mais au nom de la science, et poussée hors du champ du droit bien qu’il s’agisse de produire des effets de droit. La question se pose d’identifier la catégorie nouvelle de juristes innommés, producteurs et transmetteurs d’exégèses, dont les effets sociaux, cependant textuellement repérables, n’intéressent encore aucun secteur de recherche22.

 

Un point, sur lequel ont insisté les travaux contemporains en matière de sémiotique et plus généralement de logique du sens, est celui-ci : où en est la notion de source ? Autrement dit, quelle position l’histoire de la science du droit et de l’administration doit-elle adopter vis-à-vis de la question de savoir en quoi consiste un texte. Il est désormais exclu qu’on puisse se contenter, sur le terrain si difficile d’une histoire touchant la question du rapport à la Loi dans les bureaucraties industrielles, d’une conception trop étroitement liée à l’historiographie juridique telle qu’elle existe. De ce point de vue, j’ai émis l’hypothèse que le droit devait être étudié aussi en tant que pensée emblématique, et je n’ignore pas la difficulté posée par une analyse de ce genre, qui suppose de revenir aux premières manifestations de la Renaissance bolonaise quant à l’usage de la compilation justinienne ; d’autre part, on doit travailler à ne plus ignorer les progrès réalisés, dans une zone épistémologique il est vrai mal repérée, par l’histoire politique, sociale et sémiologique des emblèmes. Mais l’histoire du droit ne peut plus être seulement divisée en histoire des sources et histoire des contenus ; elle doit intégrer les problèmes nouveaux de l’exégèse scientifique, en particulier traiter de manière rigoureuse le rapport du langage et des institutions, c’est-à-dire la problématique de ce que nous appelons, depuis Saussure et certaines élaborations à raccorder très prudemment à la psychanalyse freudienne, le signifiant. Ces questions obligent à interroger la production historique du droit d’un point de vue de transmission formelle des signifiants, c’est-à-dire dans la mouvance de la pensée emblématique. Il faut bien reconnaître qu’il s’agit là d’un exercice de grande complexité, car au sein de l’historiographie juridique depuis le XIXe siècle les problèmes relatifs aux emblèmes occupent une place dérisoire, du seul point de vue des critères alors en usage ; à plus forte raison, alors que les acquisitions de la sémiotique et de la psychanalyse continuent à demeurer en dehors du champ reconnu à l’histoire du droit, ces problèmes demeurent-ils en jachère. Cependant, il s’agit là d’une problématique très dense, celle du collage social par les textes, qui nous renvoie non seulement à une très ancienne sémantique du lien23, mais aussi à la logique du vrai et du faux telle que les juristes ont eu à la manoeuvrer24.

Étant un fait de langage, les institutions doivent être étudiées en repoussant les frontières jusqu’alors admises. Cela comporte, pour l’histoire du droit et de l’administration, la nécessité de s’attacher à l’ensemble structural des textes. Ainsi ai-je proposé de substituer à la notion vague de système, celle de “Texte sans sujet”, notion destinée à réinscrire, pour l’étude des rapports du droit et de la politique au sein des organisations bureaucratiques, l’ancienne problématique qui avait cours chez les glossateurs, de telle sorte que l’assignation mythologique – la Mythenschau si bien formulée par E. Kantorowicz – ne soit jamais perdue de vue25. La sociologie des bureaucraties modernes, dominée en France par le positivisme de M. Crozier 26, tombe dans une impasse, faute d’analyser la fonction de ce qu’elle nomme l’irrationalité. Or, cette irrationalité n’est rien d’autre que la mise en scène politico-mythologique du droit, dont l’histoire du droit a su découvrir, au moins pour partie, la fonction, comme en témoigne la formule “der Staat als Kunstwerk” reprise et retravaillée par G. Post27. Rien ne serait plus utile aux études modernes sur la bureaucratie qu’une contribution des historiens du droit qui, délaissant la voie facile d’un bréviaire stoïcien à l’usage des managers28, reliraient non seulement E. Kantorowicz, mais H. Mitteis sur la poésie29, car les échafaudages juridiques ont partie liée avec la fiction, notion polymorphe par laquelle transite inévitablement toute interrogation sur la place du droit et de l’histoire dans l’épistémologie 30. C’est par ce type d’analyse que, nourrie d’observations sur les espaces littéraires, l’étude de l’ordre administratif peut être abordée en considération des enjeux de discours, et les évolutions juridiques reconnues comme assujetties à des règles immuables, immuables parce qu’inscrites précisément par la logique du discours. Ainsi la fonction du juriste serait-elle rapportable, ainsi qu’en témoigne pour le XIXe siècle français l’oeuvre du juriste-historien Laboulaye31,à la marque nationale de chaque système considéré.

 

                                                                        III

 

L’une des grandes difficultés d’aujourd’hui, pour situer l’histoire de la science du droit par rapport aux nombreuses disciplines qui, selon les perspectives de modernisation des bureaucraties, se partagent le champ de ce que nous nommons les administrations, réside dans l’idéologie d’une science universelle de la gestion. Or précisément, le fonctionnement juridique des États constitue une réfutation de fait, un démenti permanent des doctrines idéales argumentant sur la base des Behavioral Sciences, dans la visée du Management tel qu’il se manifeste depuis une vingtaine d’années, c’est-à-dire non critiqué. Pour cette raison, l’histoire comparée des systèmes juridiques demeure la voie d’accès privilégiée vers l’étude des organisations administratives telles qu’elles sont. Je me bornerai ici à quelques notations sur le cas français, un cas qui demeure rebelle à la pénétration des idéaux gestionnaires parce qu’il demeure fondamentalement rivé à l’ordre centraliste du discours. Autrement dit, pour reprendre un mot de G. Le Bon32, je dirai qu’on continue d’écrire sur l’État français avec des raisonnements et des méthodes de croyant. Cela signifie simplement que les croyances centralistes sont peu compatibles avec les croyances au gouvernement scientifique, avec les croyances gestionnaires.

 

Notons qu’une telle incompatibilité n’apparaît pas à première vue. Non seulement le système administratif français a suivi pas à pas et pour son propre compte politique les méandres du discours gestionnaire universel33, mais il fonctionne lui-même, dans ses présupposés, comme s’il accomplissait la rationalité. Par exemple, il s’est présenté assimilateur et conquérant, propagateur d’une législation fondée sur la Raison34. Autrement dit, la notion d’universalité ne peut être que relative, chaque système fonctionnant de manière autarcique. Aussi devons-nous chercher à concevoir l’étude des bureaucraties d’après un classement tablant avant tout sur l’identité nationale de chacune d’elles. Cette remarque met au premier plan le trait juridique. Dans le cas français, innombrables sont les ouvrages dressant l’inventaire des caractéristiques du centralisme, indéfiniment reporté à l’histoire de l’unité nationale et des réformes administratives. Prolixe en catalogues critiques, la Science administrative des années 60 n’est pas pour autant parvenue à observer froidement cette histoire ni à repérer ce type de centralisme parmi les autres formes d’organisation centralisée35. Sans doute doit-on se garder d’une excessive sévérité à l’égard des critiques indéfiniment répétées, car l’ordre bureaucratique français n’est sans doute pas plus aveugle sur lui-même que les autres systèmes administratifs occidentaux, pris dans une même histoire juridique. Peut-être le progrès en cette matière consiste-t-il à reconnaître précisément l’enjeu de répétition comme tel et à tenter de réintroduire quelques éléments fort simples d’évaluation, en vue de parvenir à identifier la reproduction d’une structure de légalité. En ce sens, j’ai parlé du roman familial de l’État français36.

Autant le redire ici, quelque chose n’a pas changé depuis les remarques de Scudéry sur le mystère réservé aux rois et à leurs ministres37. Avatar du droit public d’Ancien Régime, le droit administratif reste un capital historique énigmatique. Il n’a pas encore fait l’objet d’une étude d’ensemble vraiment moderne, bien que de sérieux efforts aient été tentés, sporadiques certes mais utiles, afin de relier le droit positif à ses racines antérieures à la Révolution du XVIIIe siècle38. Cependant, aucun signe n’est apparu, dans l’historiographie française récente, qui laisserait entendre l’importance fondamentale de cette référence au mystère. Cette référence nous renvoie aux manoeuvres de la théologie politique et du discours mystique sur le corps et l’État en Occident, manoeuvres si minutieusement explorées par E. Kantorowicz et qui, dans l’hypothèse structurale du centralisme français, sont d’une si grande portée. Enfin, l’allusion au mystère indique une impossibilité, les difficultés classiques pour fixer les frontières du droit public et formuler un critère qui donnerait à la science du droit, dans le secteur administratif où la mouvance de l’État implique de nombreux degrés, des fondements politiques non soumis à révisions périodiques. Nous ne sommes jamais sortis, en France, d’un certain vague, d’une science qui oscille au temps de Louis XIV entre l’inventaire romanisant de Domat39 et le catalogue des pratiques réalisé par le Traité de la Police de Delamare. Ainsi, pourrions-nous poser la définition suivante : sous l’Ancien Régime, la science du droit – des droits concernant l’administration – est la zone d’ombre où fonctionnent les techniques d’un va-et-vient entre le droit et la politique.  

À compter de cette notation, je voudrais présenter les observations suivantes :  

 

1. Pour concevoir la force du centralisme français, sa capacité stratégique et la nature de ses éléments relevant de l’inaltérabilité d’une logique, il est nécessaire de mettre au premier plan de l’étude la fonction des juristes et du juridisme. On a beaucoup trop insisté sur l’idéologie, en particulier sur le thème de l’État jacobin, un État censé avoir domestiqué le territoire par ses procédures autoritaires de délégation à partir du centre parisien. Il faut reprendre le concept de gouvernement territorial sur une tout autre base que l’idéologie, dont j’ai tenté de montrer qu’elle abritait, en fait, une profonde méconnaissance du nationalisme français40. Très opportunément, un travail de F. Burdeau41 est venu confirmer l’intérêt d’une réévaluation des notions de centralisation et décentralisation, trop facilement reportées à des affrontements politiques qui n’avaient pas, sur le plan administratif, la portée qu’on leur a si souvent attribuée par des forçages successifs. Si j’ai utilisé la formule “l’État prétendu jacobin”, c’est pour bien marquer ceci : la décision politique élémentaire a été jouée par la Constituante (loi du 22 décembre 1789), à l’occasion du découpage départemental, d’ailleurs jamais remis en cause par les régimes successifs, et l’affrontement entre Fédérés et Jacobins sous la Ie République ne portait pas sur l’aménagement territorial. L’historiographie administrative repose, pour l’essentiel, sur un contre-sens là-dessus. D’où la nécessité d’un nouvel examen, pour traiter cette question fondamentale : qu’est-ce que le centralisme français ?

Ce nouvel examen doit d’abord faire appel aux croyances, parce que les élaborations juridiques les ont mises en oeuvre et ne s’expliquent elles-mêmes en définitive que par là. Aussi est-il indispensable d’interroger la théologie politique, à la manière dont a su le faire M. Büttner qui a ouvert une voie pour l’étude des fondements religieux de la géographie et des sciences ayant à utiliser les données de celle-ci dans l’ordre du gouvernement. Dieu gouverne-t-il le monde42? Cette question pertinente est celle de la théologie de la grâce et de la liberté des actes humains, problématique fondamentale si l’on veut bien considérer le système administratif comme modèle sécularisé d’une administration théocratique. Le territoire est un espace probabilisé, en ce sens qu’il est construit juridiquement pour mettre en scène un discours d’essence religieuse, discours directement lié aux doctrines de la Contre-Réforme. C’est sur ce socle que repose le centralisme français, les juristes ayant simplement tiré les conséquences de la sanctification de l’État43 et des croyances attachées en France aux relations de pouvoir.

 

2. L’intimité de l’administration française est terrienne et féodale. Cette réalité indéfiniment répétée ne peut être dévoilée que par des historiens du droit, car c’est précisément ce caractère que ne parvient pas à mettre en lumière la psycho-sociologie, trop incompétente sur les processus juridiques de la reproduction pour admettre cette réalité comme un fait de structure, réformable certes, mais indestructible. La fiction française de l’État centraliste fonctionne à ce prix : au prix d’une féodalité refoulée. Autrement dit, au seuil de toute entreprise d’histoire administrative, la question fondamentale à poser demeure celle du Droit et de la Loi, telle que la formulaient au début du XIXe siècle les premiers commentateurs du Code civil. Il est nécessaire, “avant tout, de déterminer ce qu’on doit entendre par ces mots Droit et Loi”44, parce que dans leurs comportements quotidiens, agissant ès qualités de leur fonction, les agents administratifs ont des pratiques notariales et judiciaires ; ils se comportent en propriétaires et créanciers, selon un réglage féodal des manoeuvres que seule une étude approfondie, suivant la pratique effective, “sur le terrain”, c’est-à-dire à l’intérieur des services, pourrait parvenir à mettre en évidence, sous condition de faire le partage entre les principes doctrinaux ou les jurisprudences (notamment celle du Conseil d’État) et les techniques du fonctionnement interne. Sur cette problématique, je me borne à renvoyer le lecteur à mes premières indications générales45.

 

3. Un trait de censure caractérise le centralisme français : la difficulté d’élaborer une histoire qui reconnaîtrait les empreintes du ius commune et n’isolerait pas l’expérience française par rapport aux divers flux de la science du droit et de l’administration dans l’ensemble occidental. Si l’implantation du droit administratif français dans la tradition des droits savants n’est pas encore clairement admise, malgré la proposition faite là-dessus par G. Le Bras46, cela tient à la nature même du rapport entretenu par le système administratif en tant que tel et le nationalisme politique. Il est certain que la Révolution de 1789 à 1800 (c’est-à-dire entre la création des départements et l’invention des préfets) devait jouer – je reprends ici un mot de Barante47 – comme une théorie sociale. Autrement dit, comme une épuration, une liquidation de la tradition, le processus traditionnel d’accumulation juridique, si cher aux théoriciens allemands des droits populaires, étant censé avoir été totalement interrompu. Mais la Révolution n’est pas seule en cause, car la méconnaissance historique résultait déjà de la propagande monarchique, comme l’a si bien vu Lémontey48. La naissance de l’État administratif au XVIIe siècle supposait la Monarchie comme principal opérateur juridique et, dans l’histoire d’un système de textes en expansion, cet opérateur fonctionnait déjà pour garantir une ligne de législation et, selon un mot que j’emprunte à Chaptal (rapporteur de la loi du 28 pluviôse An VIII), une ligne d’exécution49. Tout cela devait inévitablement détourner les auteurs d'Ancien Régime des références au ius commune

Mais cette censure de fait s'est accompagnée d'une sorte d'isolement de la science du droit et de l'administration, isolement beaucoup plus sensible dans l'Université que dans les niveaux élevés de l'administration. C'est un fait que l'enseignement des problèmes administratifs a longtemps négligé la dimension comparatiste ; des plaintes précises furent énoncées là-dessus au XIXe siècle50. Il est probable que l'étude des correspondances privées, des congrès et de la diffusion des revues étrangères mettrait en évidence cette différence de sensibilité entre deux milieux intéressés l'un et l'autre par le développement de la science. J'ai évoqué une sorte d'internationale des hauts fonctionnaires avant 191451; mais il est encore difficile de se représen­ter, faute de monographies circonstanciées, l’état des relations scientifiques en Europe avant cette date.

 

Une conclusion brève ici s’impose. La notion d’histoire comparée52 est sans nul doute à réévaluer, mais le champ d’une histoire de la science du droit et de l’administration peut être circonscrit avec une rigueur suffisante, si l’on veut bien admettre la difficulté pour ce qu’il est convenu d’appeler la Science administrative de se définir elle-même. La scientificité des travaux sur les systèmes administratifs sera une longue conquête, dans la mesure où précisément les interrogations sur le social et l’ordre politique sont indisso­ciables de ce que véhiculent les juristes de la tradition européenne et se trou­vent prises en charge par les nouvelles techniques gestionnaires, elles-mêmes considérées comme substitut universel des savoirs dogmaticiens prétendus supplantés. De ce fait, l’histoire du droit ne peut éviter d’affronter les pro­blématiques modernes du discours et du pouvoir.

 

 

1. Une revue désormais fondamentale : Management International Review. Cf. également le Manuel très répandu de G. F. Wieland et R. A. Ullrich, Organizations. Behavior, Design and Change, Homewood 1976.

2. Redécouvert grâce aux travaux de G. Thuillier (depuis vingt ans, l’histoire administrative française lui doit beaucoup), C. Bonnin est l’auteur de :  Principes d’administration publique, 3e édit. 1812. Sur la science administrative, cf. pp. III-XV.

3. Voir son article classique : “Zur Theorie der juristischen Fiktionen”, in Annalen der Philosophie, 1 (1919), pp. 630-658.

4. Parmi les textes les plus importants dans l’élaboration des doctrines juridiques de la gestion, le fragment étudié par L. Prosdocimi, Chierici e laici nella società occidentale del secolo XII. A proposito di Decr. Grat.C.12 q.1 c.7 Duo sunt genera christianorum, in : Proceedings of the Second International Congress of Canon Law, Civ. Vaticana, 1965, pp. 105-122.

5 .Cf. J. Winckelmann, Legitimität und Legalität in Max Webers Herrschaftssoziologie, Tübingen 1952; H. Hofmann, Legitimität gegen Legalität. Der Weg der politischen Philosophie Carl Schmitts, Neuwied 1964.

6. Voir l’ouvrage du conseiller d’État F. De Portal, Politique des lois civiles ou Science des législations comparées, t. III, 1877, p. 609.

7. Cf. notamment S. N. Eisenstadt, Essays on Comparative Institutions, New York 1965.

8. La fonction dogmatique dans la société industrielle doit être étudiée comme telle ; on peut lire sur ce thème mon étude, Leçons IIL’Empire de la vérité. Introduction aux espaces dogmatiques industriels, 1983. (Voir Leçons II, l’Empire de la vérité)

9. “The Heavenly City of the Eighteenth-Century Hiscorians”, in Church History, 47 (1978), pp. 279-297 (286).

10. On en prend la mesure, en lisant le survol de P. Stein, Legal Evolution. The Story of an Idea, Cambridge, 1980.

11. Voir notamment M. Herberger et D. Simon, Wissenschaftstheorie für Juristen, Frankfurt,1980. Quant aux perspectives ouvertes à l’étude du droit par l’apparition des entreprises industrielles de très grande échelle, il serait fort important d’aborder la littérature, plus ou moins historisante, sur le Management, par exemple à travers les travaux de A. Chandler ; cf. en particulier The Visible Hand. The Managerial Revolution in American Business, Cambridge (Mass.) 1977.

12. Anecdote et bibliographie dans la nécrologie rédigée par E. Salin, “Ernst H. Kantorowicz, 1895-1963”, in Historische Zeitschrift, 199 (1964), pp. 551-552.

13. Certaines pages de M. Weber ne sont pas exemptes d’un tel reproche; cf. The Interpretation of Social Reality, edit. J. Eldridge, London, 1971, pp. 240 sq. (The Emergence and Creation of Legal Norm).

14. Je renvoie ici à mes remarques déjà publiées “La bureaucratie, la science et le rendement. I. Au sommaire d’une recherche (pour présenter la publication des cahiers inédits de FAYOL), in Bulletin de l’Institut International d’Administration Publique,  (voir la bureaucratie la science et le rendement)

15. Cf. The Policical Systems of Empires, London, 1963, pp. 113 sq. “Conditions of Perpetuation of the Political Systems of the Historical Bureaucratic Empires”.

16. Cf. les critiques très vives à propos des a priori de l’histoire des bureaucraties, “Bureaucracy and Ideology. Britain and India in the Nineteenth Century”, in Transactions of the Royal Historical Society, Fifth Series, 30 (1980), pp. 131-156, notamment p. 131.

17. Fameuse question, dont on trouve un exposé classique dans les consilia de Bartole, cons. 1.

18. Cette question nous reporte nécessairement à la problématique du nationalisme juridique français depuis les violentes diatribes adressées à Bartole par les Humanistes.

19. Cf. les travaux de H. Hattenhauer, notamment après sa Geschichte des Beamtentums (Köln 1980), son article “Beamtentum und Literatur in Barockzeitalter”, in Der Staat, 20. (1981), pp. 31-53. Un travail très important à signaler, concernant la France, C. H. Church, Revolution and Red Tape. The French Ministerial Bureaucracy 1770-1850, Oxford 1981, cf. notamment la conclusion, pp. 307 sq. “Perspectives on Bureaucratization in France”.

20. Par exemple, la facture liturgique des textes concernant la nomination des personnels ; cf. l’extrait des Archives Nationales, série F.1 b I-10 (12), que j’ai publié dans L’administration du XVIIIe siècle à nos jours, 1969, p. 197.

21. Publié en 1960, ce texte fondamental de la Ve République s’intitule “Rapport sur les obstacles à l’expansion économique”.

22. Cf. mes remarques dans un essai littéraire : Paroles poétiques échappées du Texte. Leçons sur la communication industrielle, 1982, pp. 17 sq.

23. Les travaux qui se développent sur les problèmes de l’emblématique doivent être reliés à la question mystique du collage ; voir sur cette référence l’article de P. Courcelle, “La colle et le clou de l’âme dans la tradition néo-platonicienne et chrétienne”, in Revue belge de philologie et d’histoire, 36 (1958), pp. 72-95.

24. Les problèmes héraldiques et des emblèmes ne sont guère étudiés, par les juristes, qu’accessoirement (cf. par exemple, R. Mathieu, Le système héraldique français, 1946), alors qu’il faut revenir à l’examen de la nature même du phénomène, à sa portée sémiologique, tel qu’il apparaît dans les classiques tels que Vulson de la Colombière, La Science Héroïque, 1644, ou C. Segoing, Trésor Héraldique, 1657, etc.

25. L’histoire administrative est d’abord liée à une problématique de la référence ; aussi convient-il d’attacher grand prix aux travaux qui, dans la voie ouverte par E. Kantorowicz, inscrivent l’histoire du droit selon cette méthode. Cf. par exemple, P. Prodi, Il Sovrano Pontefice. Un corpo e due anime : la monarchia papale nella prima età moderna, Bologna, 1982.

26. Ce positivisme est en passe de devenir une idéologie, comme le suggère un récent article de M. Crozier “La crise bureaucratique”, in Revue française d’administration publique, 1980, pp. 593-604 (604, à propos du Nouvel Ordre mondial).

27. Voir Studies in Medieval Legal Thought. Public Law and the State 1100-1322, Princeton,1964, études fondamentales pour aborder l’État administratif.

28 .Cf. G. Schoeck, Seneca für Manager. Sentenzen aus den Briefen an Lucilius, München, 1971.

29. Cf. Die Rechtsidee in der Geschichte. Gesammelte Abhandlungen und Vorträge, Weimar, 1957, notamment pp. 681 sq.

30. La science du droit, quel que soit le domaine de ses interventions, doit être replacée dans cette perspective générale. Notations importantes dans K. Eden, “Poetry and Equity. Aristode’s Defense of Fiction,” in Traditio, 38 (1982), pp. 17-43.

31. Voir mon article “Méditation sur l’esprit libéral. La leçon d’Édouard de Laboulaye, juriste-témoin”  in Revue du droit public et de la science politique, 1971, pp. 85-122.

32. La Révolution française et la psychologie des révolutions, 1920, p. 114.

33. Les mises au point périodiques sur les institutions administratives traditionnelles sont éloquentes à cet égard ; cf. par exemple, le N° juin-septembre consacré au thème “Le préfet et l’économie”, in Administration. Revue du Corps préfectoral, 1974 (j’y ai présenté une rétrosgective, “La fonction économique du préfet et sa marque d’histoire”, pp. 34-46).

34. Remarques classiques chez les auteurs du XIXe siècle, par exemple chez L. de Saussure, Psychologie de la colonisation française, 1899, pp. 3 sq.. À mettre en parallèle avec des considérations plus contemporaines : M. D. Lewis, “One Hundred Million Frenchmen. The Assimilation, Theory in French Colonial Policy”, in Comparative Studies in Society and History, 4 (1962), pp. 129-153.

35. J’ai tenté de récapituler le mouvement des idées dans l’un des articles introductifs du Traité de Science Administrative (varii auctores), 1966 , “Histoire de la pensée administrative française”, pp. 5-79.

36. Cf. “Le roman de l’État français”, in Annuaire des Collectivités locales, 1981, pp. 695-700, “postface”.

37. Voir là-dessus les développements et les sources de G. Chevrier, “Remarques sur l’introduction et les vicissitudes de la distinction du jus privatum et du jus publicum dans les oeuvres des anciens juristes français”, in Archives de Philosophie du Droit, 1952, pp. 5-77 (61).

38. Un ouvrage de droit positif à signaler, F. P. BENOIT, Le droit administratif français, 1968.

39. Cf. mon article “Domat, théoricien de l’État-Gendarme”, in Études Emile Giraud, 1966, pp. 247-258.

40. Cf. mes observations dans l’article “Le régime historique des bureaucraties occidentales. Remarques sur le cas français”, in Revue Internationale des Sciences Administratives, 38 (1972), pp. 361-378, notamment pp. 363 sq.

41. “Affaires locales et décentralisation : évolution d’un couple de la fin de l’Ancien Régime à la Restauration”, in Mélanges Georges Burdeau, 1977, pp. 765-788.

42. Parmi les travaux de M. Büttner, voir en particulier, “Die Emanzipacion der Geographie zu Beginn des 17. Jahrhunderts. Ein Beitrag zur Geschichte der Naturwissenschaft in ihren Beziehungen zur Theologie”, in Sudhoffs Archiv, 59 (1975), pp. 148-163.

43. Un excellent diagnostic a été posé par E. N. Suleiman, “The French Bureaucracy and its Students. Towards the Desanctification of the State”, in World Politics, 23 (1970/71), pp. 121-170, la science administrative contemporaine ayant en définitive suivi la même ligne.

44. Pour circonscrire l’emplacement de la science du droit en matière d’administration, il est nécessaire de revenir aux formules des civilistes par rapport auxquels les premiers administrativistes ont eu à se poser. La formule citée se trouve dans Delivincourt, Institutes du droit civil français, conformément aux dispositions du Code Napoléon, 1808, t. I, p. 1. Rappelons que la loi du 22 ventôse An XII sur l’organisation des études juridiques indiquait parmi les matières enseignées, “Le droit public français et le droit civil dans ses rapports avec l’Administration publique” (art. 2).

45. Cf. “La Royauté du droit administratif français. Recherches sur les fondements traditionnels de l’Etat centraliste en France”, in Revue hiscorique de droit français et étranger, 1974, pp. 696- 732, notamment pp. 727 sq.

46. “Les origines canoniques du droit administratif”, in L’évolution du droit. Études Achille Mestre, 1956, pp. 395-412.

47. Des Communes et de l’Aristocratie, 1821, p. 3.

48. Essai sur l’établissement monarchique de Louis XIV, 1818, notamment pp. 319 sq.; la référence à Louis XIV est ici essentielle.

49. Le Rapport de Chaptal utilise cette intéressante formule ; voir Archives Parlementaires, Ile Série (1800-1860), I, p. 230.

50. Cette question, souvent évoquée avant 1914 (par exemple, par Glasson), est à rattacher au mouvement déclenché par les critiques de Laboulaye et de ses contemporains les plus éclairés depuis l’époque de Louis-Philippe.

51. Op. cit. (n. 40), pp. 377-378.

52. Une initiative très instructive a été prise par l’Institut Historique Allemand de Paris ; voir les Actes du XIVe colloque historique franco-allemand de 1977, notamment l’article de K. F. Werner, “Histoire comparée de l’administration”, in Histoire comparée de l’administration (IVe-XVIIIe siècles), München (Beihefte der Francia, vol. 9) 1980, pp. IX-XXXIV.

 

article paru dans Wissenschaft und Recht der Verwaltung seit dem Ancien Régime. Europäische Ansichten, collectif, édit. Max-Planck-Institut für europaïsche Rechtsgeschichte, Sonderhefte, 21, Francfort, Klostermann, 1984, p. 377-391.

Emblème

Solennel, l’oiseau magique préside à nos écrits.
Le paon étale ses plumes qui font miroir à son ombre.
Mais c’est de l’homme qu’il s’agit :
il porte son image, et il ne le sait pas.

« Sous le mot Analecta,
j’offre des miettes qu’il m’est fort utile
de rassembler afin de préciser
sur quelques points ma réflexion. »
Pierre Legendre

« Chacun des textes du présent tableau et ses illustrations
a été édité dans le livre, Le visage de la main »

Ars Dogmatica
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